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Dans mon chapeau...

Dans mon chapeau...
12 novembre 2009

Haiku (2)

Soseki_2Le feu des prunelles
Dévore sa silhouette squelettique
Chat amoureux

Sôseki, "Haikus", Philippe Picquier, 2006, p. 59 (traduit du Japonais par Elisabeth Suetsugu)

Haiku (1)

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11 novembre 2009

Images, matières, textures....

Tessa1"L'incendiée, l'approchant" de Francis Tessa
3 étoiles

L'arbre à paroles, 1999, 120 pages, isbn 287406047x

Chacune des six sections de ce recueil se veut hommage ou invocation à l'oeuvre d'un artiste, artistes plasticiens pour les cinq premières - Véronique Boseret, Annie Gaukema, Dominique Grodos, Claire Mambourg, Carlo Fia, dont je ne connais pas du tout les oeuvres -, poète enfin pour la sixième partie qui nous entraîne dans les pas d'André Doms.

Chacune des six sections de ce recueil apparaît comme une suite de textes très courts, tout au plus deux ou trois lignes - le terme de vers ne convenant pas ici -, dont certains se font éminemment suggestifs d'images, de matières, de textures, de sensations, et d'autres non. Il est troublant d'associer ainsi à des textes un monde probablement très différent de celui qui les a inspirés et nourris, et qu'ils revendiquent ouvertement. Et c'est peut-être ce trouble qui, gênant le lecteur aux entournures, explique somme toute ce simple fait: certains des textes de "L'incendiée, l'approchant" vivent de leur vie propre, et d'autres non.

Extraits:

spirale écrite (sur des tableaux de Véronique Boseret)

"Et la mer n'est plus la mer, mais ciel peut-être: nommer est gageure ou vêtement provisoire comme on se dévêt pour aimer" (p. 16)

Matière éclose (Sur l'oeuvre d'Annie Gaukema)

"Blé et ocre, sinople, couleurs de terre où l'espace reflété se conjugue, éclate, se recompose. Vivre est une sensation pulsante" (p. 21)

échelles, échancrures (sur l'oeuvre de Dominique Grodos)

"Fusains, cercles et courbes. Chevaux captent l'espace, projettent cerceaux, volutes; hanches et cuisses. Toute ressemblance serait douleur" (p. 36)

vitraux (en suivant le sculpteur, peintre et verrier Carlo Fia)

"A l'ouest la montagne ferme l'horizon et dénoue l'histoire. Des cascades de pierres disent l'immense à jamais effleuré" (p. 57)

"Dans la tiédeur des noyers tout est clos par le midi d'été. Battent seulement les poitrines, touches dispersées en silence" (p. 61)

"Parfum de cyclamens. Un vin - fragolino peut-être - court dans le sang comme une saveur rêvée. Nous attendrons le soir" (p. 67)

"Oliviers plantés dans les moraines. La géologie des terres bouleversées pour dire à l'homme ses limites" (p. 72)

et l'infini pénètre (André Doms)

"Regarde, nous sommes la fraîcheur des volets clos. La bouche de l'âtre où couvent feux sous cendre" (p. 80)

"(De mémoire nous fîmes enfances communes de fondrières, d'ajoncs, de glanes)" (p. 82)

"Ton corps au frémissement des paumes pour que s'envolent gazelles en plein midi" (p. 91)

"Le silence ensuite où les bruits se meurent sur l'ombre des persiennes. Ainsi l'on se déchausse dans l'attente que l'infini pénètre" (p. 94)

"A l'aube, double gisant, nous sommes dunes tièdes en un seul champ de blé" (p. 119)

9 novembre 2009

Captivant, drôle et politiquement engagé

18781665_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20070702_050538"Correspondant 17" d'Alfred Hitchcock,
avec Joel McCrea et Laraine Day

Avec ce "Correspondant 17", tourné en 1940 et situé entre Londres et Amsterdam dans les jours qui précèdent le début de la deuxième guerre mondiale, Hitchcock nous offre à la fois un impeccable film d'espionnage, et un film engagé qui se referme sur un vibrant plaidoyer du héros, jeune reporter américain tête brûlée mais très sympathique, pour l'entrée en guerre des Etats-Unis.

C'est évidemment captivant, mais aussi - et c'est plus surprenant - par moment très drôle, preuve s'il en est qu'Alfred Hitchcock pouvait bel et bien briller dans le registre de la comédie même si le film qui est généralement considéré comme sa seule incursion dans le genre - "Mr and Mrs Smith" - ne rend pas justice à son talent.

Bref, c'était une jolie découverte - un vrai plaisir de cinéma comme on les aime - que ce "Correspondant 17". Et ce n'est pas fini: Arte continue en effet son exploration de l'oeuvre du maître du suspense avec "Sabotage", ce soir à 20h45, et surtout avec le chef-d'oeuvre incontesté de sa période anglaise, "Les 39 marches", qui sera diffusé jeudi soir, toujours à 20h45.

D'autres films d'Alfred Hitchcock, dans mon chapeau: "Pas de printemps pour Marnie", "Les amants du capricorne", "Soupçons", "Mr and Mrs Smith", "Sabotage", "Les 39 marches" et "Fenêtre sur cour"

7 novembre 2009

La loi du silence

"A chacun son dû" de Leonardo Sciascia51brUYknXBL__SL160_AA115_
4 étoiles

Denoël et d’ailleurs, 2009, 156 pages, isbn 9782207258293 

(traduit de l’Italien par Jacques de Pressac)

Personne, rigoureusement personne, n’avait pris la chose au sérieux lorsque le pharmacien du village a reçu une lettre le menaçant de mort. Et pourtant... Quelques jours plus tard, à l’ouverture de la chasse, le pharmacien, et le docteur qui l’accompagnait, ont trouvé leur fin, tous deux assassinés.

L’enquête - bien sûr, et pourrait-il en aller autrement dans la Sicile de Leonardo Sciascia? – ne tarde pas à s’enliser: trop peu d’indices, et aucune piste sérieuse dans ce polar qui n’en est pas vraiment un. Les recherches, en fin de compte, y sont menées par un limier amateur d’une naïveté à faire frémir, et le suspense tient bientôt tout entier à la crainte que le lecteur éprouve pour la survie du détective en herbe plutôt qu’à la résolution de l’énigme du meurtre initial.

Le propos de Leonardo Sciascia, sans doute, est ailleurs: dans l’implacable constat d’une société gangrénée par les trois états qui y exercent leur pouvoir occulte : une église viscéralement attachée à ses privilèges d’un autre temps, une bourgeoisie soucieuse, avant toute chose, de préserver les apparences, et last but not least, le réseau secret, crapuleux et prêt à tout, des criminels en col blanc. Bien plus qu’une enquête policière, "A chacun son dû" apparaît dès lors comme la démonstration de tout le poids et de toute l’horreur de la seule loi incontournable, si non écrite, de la société sicilienne - la loi du silence -, démonstration menée tambour battant et d’un ton caustique qui ne va pas sans une réelle drôlerie mais qui n’en reste pas moins en définitive d’une noirceur absolue.

Extrait:

"Qu’un crime s’offre aux enquêteurs comme un tableau où les éléments matériels et, pour ainsi dire, stylistiques consentent, s’ils sont finement repérés et correctement analysés, à une parfaite distribution des rôles, c’est la règle dans tous ces romans policiers dont s’abreuve une bonne partie de l’humanité. Mais dans la réalité il en va autrement: les coefficients d’erreur et d’impunité sont élevés non pas (ou pas seulement, ou pas toujours) à cause de l’intelligence un peu faible des enquêteurs, mais parce que les indices fournis par le crime lui-même sont d’ordinaire tout à fait insuffisants. Dans un crime, s’entend, commis et organisé par des gens qui font tout pour contribuer au maintien d’un haut coefficient d’impunité.

Les éléments qui conduisent à résoudre le problème d’un crime présentant un caractère de mystère ou de gratuité sont la confidence qu’on peut qualifier de professionnelle, la délation anonyme, le hasard. Et un peu, un peu seulement, la subtilité des enquêteurs." (p. 58)

Un autre extrait de "A chacun son dû", dans mon chapeau: "Le jour des morts"

D'autres livres de Leonardo Sciascia sont présentés sur Lecture/Ecriture.

5 novembre 2009

Un théâtre de la brûlure

"Incendies" de Wajdi Mouawad,
dans une mise en scène de l'auteur

Théâtre Royal de Namur, le 29 octobre 2009

Ce n'est qu'après la mort de Nawal, leur mère, que Jeanne et Simon, frère et soeur jumeaux, ont découvert que leur père était encore vivant, et qu'ils avaient un frère aîné, quelque part, au Canada où Jeanne et Simon ont grandi, ou peut-être au Liban, le pays natal de Nawal. Leur mère ne leur avait rien dit ni du père, ni du frère. Elle n'avait même plus parlé du tout au long des cinq années qui avaient précédé sa mort. Et c'est l'histoire de cette femme murée dans le silence que nous conte "Incendies", entrelaçant trois récits: celui de l'enquête de Jeanne et Simon pour retrouver leur père et leur frère, et ceux de la vie de Nawal, à deux époques, dans un Liban déchiré par la guerre civile, et ensanglanté encore par les massacres des réfugiés palestiniens.

L'écriture de Wajdi Mouawad s'y révèle sans doute éblouissante par la maîtrise avec laquelle elle file chacun de ces récits, sans que jamais l'on en perde le fil. Le déroulement de l'intrigue reste toujours parfaitement lisible, malgré sa complexité. Mais ce n'est pas ce que l'on retient, au final, de cette pièce sans concessions ni facilités, de ce texte tour à tour âpre, dur, cru, violent, tendre et lumineux, drôle même le temps de quelques instantanés d'une vie ordinaire à Montréal, entre le Canadian Tyre et le resto chinois du coin. Non, ce que l'on retient, c'est un tourbillon d'idées, d'images et d'émotions, une complexité vertigineuse qui ne souffre aucune réduction. Ce que l'on retient, ce sont des comédiens tous aussi formidables les uns que les autres, dans la retenue ou dans la déchirure, dans le murmure ou dans le cri. Ce que l'on retient, c'est un théâtre porté à incandescence et que l'on ne peut quitter des yeux ni des oreilles de tout le temps d'un spectacle pourtant bien long...

C'est sans nul doute une des grandes oeuvres théâtrales d'aujourd'hui, et c'est à voir, absolument.

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur.

Le film de Denis Villeneuve

Une autre pièce de Wajdi Mouawad, dans mon chapeau: "Seuls"

Et une biographie de Wajdi Mouawad

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4 novembre 2009

D’une férocité désespérée

"Tout le monde s’en va" de Wendy Guerra41XkrmueHrL__SL160_AA115_
4 étoiles

Stock/La cosmopolite, 2008, 279 pages, isbn 9782234060357

(traduit de l’Espagnol par Marianne Millon)

Nieve est née à Cuba en décembre 1970. Elle y a grandi, petite fille, adolescente puis jeune femme, ne cessant de tenir un journal qui est le confident priviliégié de son avidité de vie, de création, de beauté, de nouveauté... et aussi de ses déchirements à chaque départ d’un proche vers l’exil, Paris, New York ou Miami. Et c’est que, de 1978 aux débuts des années 1990, tout le monde – ou presque – dans l’entourage de Nieve finit par s’en aller vers un exil extérieur ou intérieur, mais toujours sans retour: son père qui, avant de partir, a omis de signer l’autorisation de sortie de sa fille, le second mari de sa mère, expert suédois venu travailler dans une centrale nucléaire cubaine et finalement expulsé du pays, puis plus tard le fiancé de la jeune fille, et plusieurs de leurs amis, Cleo surtout, romancière et poétesse de grand talent dont le dernier livre marque inéluctablement le départ : "Il n’est pas possible de vomir tant de vérités et de rester vivre à Cuba" (p. 229). Seules restent prisonnière de l’île Nieve et sa mère, devenue suspecte depuis son mariage avec un étranger: "La politique se mêlait de nouveau à l’amour. L’histoire de mon père, l’histoire de Fausto, d’Antonio, revenait comme un cycle inéluctable pour notre lignée de femmes abandonnées depuis toujours dans ce socialisme caribéen que personne ne peut déchiffrer." (p. 275)

C’est le journal de Nieve, directement inspiré de celui de l’auteur, qui forme la matière de ce premier roman étonnant par la maîtrise avec laquelle Wendy Guerra retrace l’évolution de son héroïne, de la naïveté de l’enfance – au demeurant extrêmement efficace pour mettre en avant les incohérences de la politique répressive du régime castriste au début des années 1980 – au regard plus franchement critique de la fin de l’adolescence et de l’entrée dans l’âge adulte. Livre étonnant aussi par sa liberté de ton, en dépit des menaces de censure que font peser sur Nieve la police castriste mais aussi, de façon plus insidieuse et à de rares exceptions près, les hommes qui traversent sa vie, père, amis et fiancé. Citant une critique parue dans le quotidien espagnol El País, la quatrième de couverture compare d’ailleurs l’héroïne de Wendy Guerra à d’autres figures féminines en rupture de ban, la Claudine de Colette ou encore la jeune narratrice de "L’amant" de Marguerite Duras. Ce n’est pas faux. Mais c’est oublier, à mon sens, l’absurdité kafkaienne de la vie de Nieve, et l’acharnement et la férocité désespérée qui font toute sa singularité, et tout le prix de ce premier roman fascinant.

Extrait:

"Ma tête supporte toute cette charge et si je la déverse dans le Journal c’est pour me soulager, pour tenter de reporter à plus tard ce que je ne comprends pas. C’est pour cela que je reviens toujours vers lui. J’ai beau vouloir arrêter d’écrire, je finis toujours par y revenir; c’est mon « tunnel populaire », mon « refuge de guerre », ma cachette secrète, mon véritable confesseur." (p. 179)

2 novembre 2009

Cette fois, je passe!

18701874_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20061212_112929"Mr and Mrs Smith" d'Alfred Hitchcock
avec Carole Lombard et Robert Montgomery

Troisième étape du cycle Alfred Hitchcock proposé en ce moment sur Arte, "Mr and Mrs Smith" nous est présenté comme la seule incursion d'Alfred Hitchcock dans le genre de la comédie - c'est oublier le délicieux et très très drôle "Qui a tué Harry?" et je ne suis donc pas tout à fait d'accord... - et néanmoins comme un chef-d'oeuvre du genre, digne de rivaliser avec les films d'Ernst Lubitsch ou Frank Capra. Et là, non, mille fois non, "Mr and Mrs Smith" est à mon humble avis bien loin de pouvoir soutenir la comparaison avec les bijoux que sont "The shop around the corner" ou "Mr Smith goes to Washington".

Les mimiques appuyées de Carole Lombard et de Robert Montgomery peuvent prêter à rire, certes, mais le récit des déboires conjugaux de ce couple qui découvre tout à coup que, suite à une erreur administrative, il n'est pas vraiment marié manque cruellement d'une vraie tension dramatique et de vraies zones d'ombre (un comble pour un film d'Alfred Hitchcock!). Faute d'un véritable enjeu, cette comédie n'a pas tardé à perdre à mes yeux tout intérêt. Et j'ai fini par délaisser le petit écran pour me replonger dans ma lecture, sans remords ni regrets...

Mais qu'à cela ne tienne, le cycle Alfred Hitchcock continue ce soir à 20h45, avec "Correspondant 17": suite au prochain épisode ;-).

D'autres films d'Alfred Hitchcock, dans mon chapeau: "Pas de printemps pour Marnie", "Les amants du capricorne", "Soupçons", "Correspondant 17", "Sabotage", "Les 39 marches " et "Fenêtre sur cour"

1 novembre 2009

Le lecteur idéal (2)

"Le vrai lecteur, lui, trouve l'écrivain le plus caché. Il le déniche de mille façons obscures. Sa substance entre en résonance avec celle du texte. C'est de cette seule manière que la littérature survit. Les livres sont patients, ils attendent parfois des années qu'un lecteur passionné les découvre. Ils se reposent dans une petite librairie, ils guettent leur lecteur, l'attirent, le captivent au hasard d'une page."

Antoni Casas Ros, "Mort au romantisme", Gallimard, 2009, pp. 60-61

Le lecteur idéal (1)

31 octobre 2009

Fable alchimique

41k4QzvnrrL__SL160_AA115_"Terres rares" de Vassili Axionov
2 étoiles

Actes Sud, 2009, 396 pages, isbn 9782742780433

(traduit du Russe par Lily Denis)

C'est une fable alchimique sans doute que ces "Terres rares" contant l'histoire - bref, les amours, les succès et les échecs - de quelques oligarques russes actifs dans le secteur des terres rares - scandium, yttrium et le groupe des lanthanides, éléments essentiels à de nombreuses applications de l'industrie contemporaine -, et dont l'ascension fut aussi fulgurante que ne fut brutale ensuite leur chute vers les geôles d'un pouvoir fort peu enclin à perdre le contrôle de certains secteurs stratégiques, nonobstant la libéralisation affichée de l'économie ex-soviétique.

Fable alchimique aussi, car elle nous montre un écrivain au travail, Basile ou Bazz Oxelotl, alter ego de l'auteur, à l'affût des mille et un détails de sa vie quotidienne susceptibles de lui amener une étincelle d'inspiration, et les métamorphoses que subit ensuite cette timide lueur jusqu'à s'étirer sur des pages, et des pages et des pages... Fable boulgakovienne, nous annonce la quatrième de couverture, car ce livre nous plonge, tout comme "Le maître et Marguerite", dans la cuisine intérieure d'un écrivain confronté à un monde en pleine mutation, en l'occurrence dans le cas des "Terres rares" à la libéralisation finalement pas si libérale de l'économie russe.

Mais qu'est-ce qu'on est loin de la drôlerie, de la prodigieuse inventivité et du tourbillon d'émotions de l'ultime chef-d'oeuvre de Mikhaïl Boulgakov! Et excusez-moi, mais c'est que le mot "ennui" serait beaucoup trop doux pour évoquer ce que j'ai éprouvé à la lecture de ces "Terres rares", qu'est-ce qu'on s'emm...!

C'est que le dernier livre de Vassili Axionov, derrière ses ambitions affichées de s'ériger en hymne à la liberté créatrice de l'écrivain, fonctionne avant tout sur le mode d'une énumération qui culmine en une scène unique en son genre et où Bazz Oxelotl délivre des cachots d'une prison moscovite, outre le héros supposé des "Terres rares", l'interminable cortège des personnages des précédents romans de l'auteur (Vassili Axionov, donc, faut suivre...): énumération totalement dépourvue d'âme et où les personnages, tous les personnages y compris ceux des "Terres rares", se révèlent définitivement et irrémédiablement comme des pantins privés de vie et d'épaisseur.

Bref, le texte des "Terres rares" a beau fourmiller de jeux de mots, d'allusions drôlatiques et de trouvailles en tout genre, on s'y emm... (oui, j'y tiens) tant et si bien que vient un moment où le lecteur, littéralement assommé d'ennui, n'est plus là pour les savourer, présent peut-être de corps mais certainement plus d'esprit. Et en un mot comme en cent, c'est qu'en fin de compte, quoiqu'ait pu penser Vassili Axionov et quelques opinions qu'ait pu professer son alter ego Bazz Oxelotl (ce qui est peut-être, ou peut-être pas, une seule et même chose), it takes - always - two to tango...

Extrait:

"Mon oeuvre prenait des proportions, envahissait mes jours et mes nuits ou à l'inverse, c'étaient les événements qui s'accumulaient jour et nuit qui venaient la bousculer, et brutalement. En principe, rien ne m'oblige à me mettre à la traîne des événements réels. Je devrais m'en écarter le plus possible, ne reposer que sur mon imagination ou, comme disent les marins, "gagner au large". Mais d'autre par, je surprends de plus en plus souvent mes personnages principaux en train de poser sur moi des regards interrogateurs. Comme s'ils croyaient que je participe bel et bien aux événements et que mon imagination est un facteur réel de leur développement. "Le roman est une forme ouverte, dit Bakhtine il échappe à toute finalisation." En tant qu'auteur, j'applaudis à douze mains cette proclamation pleine d'audace. J'ai peine à imaginer un roman dont le plan serait établi en fonction de la fin. Je ne me figure même pas ce qui arrivera après le présent sous-chapitre que l'on pourrait intituler "Doutes de l'auteur en compagnie d'un âne". D'ailleurs, rien n'a impliqué la présence d'un âne au cours des deux cents quarante pages d'ordinateur qui précèdent, alors que, selon toute probabilité, il errait déjà avec son ancien maître le long de la frontière libre du pays, n'imaginant même pas qu'il deviendrait la cheville ouvrière, si petite soit-elle, d'une composition romanesque. Il en va de même de la métaphore. Finalement, qu'est-ce donc qu'un roman sinon une métaphore développée, une part de libre univers, tel que notre Réservoir, ou plaisanterie à part que l'Océan en son perpétuel mouvement." (pp. 257-258)

Un autre livre de Vassili Axionov, dans mon chapeau: "Les oranges du Maroc"

Et d'autres titres encore sont présentés sur Lecture/Ecriture, où Vassili Axionov était l'auteur des mois d'août et septembre 2009.

30 octobre 2009

Manipulateur, pour vous servir...

"Le Tartuffe ou l'imposteur" de Molière,
avec Benoît Verhaert et Armand Delcampe,
dans une mise en scène de Patrice Kerbrat

Aula Magna, Louvain-la-Neuve, le 23 octobre 2009

Bon, je ne vous ferai pas l'injure de vous résumer l'intrigue de cette pièce si célèbre du grand Molière. Mais c'est que la production qui vient de s'en refermer à l'Aula Magna était bien loin de prendre les airs de déjà-vu que l'on peut craindre face à ce genre de répertoire. La mise en scène très dépouillée et l'interprétation en tous points sobre et sérieuse se conjuguaient à merveille pour mettre en lumière toute la noirceur de cette sombre histoire de manipulation, de naïveté et de confiance trahie...

Plus près du thriller que de la comédie, le Tartuffe ainsi revisité par Patrice Kerbrat est de ceux dont on ne voudrait pas perdre une seule miette. Dommage dès lors que l'acoustique de l'Aula Magna - qui à force de se vouloir polyvalente ne convient vraiment à rien du tout - nous ait privé ça et là de répliques entières, car ce spectacle vaut vraiment d'être vu...

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