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Dans mon chapeau...
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28 février 2010

Faste méditatif

"Les splendeurs de Versailles",
par le Choeur de chambre de Namur et Les Agrémens,
sous la direction de Guy Van Waas

Théâtre Royal de Namur, le 26 février 2010

Rassemblant sous le titre des "Splendeurs de Versailles" des oeuvres de deux des principaux compositeurs au service du roi Louis XIV, Jean-Baptiste Lully et Henri Du Mont, Guy Van Waas et les interprètes du Choeur de chambre de Namur et des Agrémens nous ont offert ce vendredi soir un concert dont le faste méditatif était bien éloigné des sonorités étincelantes du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier ou des airs de danse des grandes comédies-ballets de Molière.

Dès l'entrée, le Dies Irae composé par Jean-Baptiste Lully pour les funérailles de la reine Marie-Thérèse a en effet imposé une atmosphère de recueillement que les deux motets d'Henri Du Mont qui suivaient - Nisi dominus et Magnificat - ne sont pas venus démentir. Pas plus d'ailleurs que la seconde partie du concert, l'Idylle sur la Paix, célébration de la paix retrouvée et de la gloire du Prince composée par Jean-Baptiste Lully sur un livret de Jean Racine - véritable monument non du génie dramatique qui a fait passer l'auteur de Phèdre à la postérité mais bien de pure et simple flagornerie - où les prières pour la prospérité et la santé du roi se mêlaient toujours aux expressions de joie. Du reste, l'on ne s'en plaindra pas car ces musiques déployaient des couleurs véritablement fastueuses, et en d'autres mots ces splendeurs versaillaises certes empreintes de recueillement n'en étaient pas moins magnifiques.

Présentation du concert sur le site du Théâtre Royal de Namur

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26 février 2010

L'Amérique vue du ciel

19184235_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20091016_125053"In the Air" de Jason Reitman,
avec George Clooney, Anna Kendrick et Vera Farmiga

En nous narrant les péripéties professionnelles et sentimentales de la vie de Ryan Bingham, consultant en réorientation professionnelle - comprenez que des patrons l'engagent pour licencier leur personnel, ce qu'ils n'ont pas le courage de faire eux-mêmes -, Jason Reitman nous offre un tableau saisissant d'une Amérique vue d'en-haut et ce dans tous les sens du terme. Continuellement sur les routes, Ryan Bingham passe en effet l'essentiel de son temps entre les hôtels, les aéroports et les avions d'American Airlines - son plus grand rêve est d'ailleurs de parvenir à rejoindre le club très fermé des voyageurs ayant réussi à accumulé plus de 10 millions de miles dans le cadre du programme de fidélité de cette compagnie -, et ce sont tous les Etats-Unis qui défilent alors sous ses ailes. Mais à travers les yeux de ce personnage, exemplaire d'une certaine conception ultra-utilitariste de la vie économique et sociale, Jason Reitman nous propose aussi un état des lieux, distant mais implacable, de l'Amérique comme elle va et surtout des valeurs qui la font tourner...

Parfois présenté comme une comédie sentimentale, "In the Air" est bien plutôt selon moi un film d'une drôlerie (très) féroce. Ce qui signifie que lorsqu'on réfléchit un tant soit peu à ce qu'il nous montre, il n'est en fait pas drôle du tout. Et il laisse en bouche un arrière-goût franchement amer. Mais c'est un film magistral, et magnifiquement servi par un George Clooney qui s'y révèle rien moins que brillant. Alors, ne le ratez surtout pas!

23 février 2010

De frêles échos dans le silence

"Comme un cuivre qui résonne" de Peter Stamm5102b_H7s0L__SL500_AA240_
3 ½ étoiles

Christian Bourgois, 2009, 185 pages, isbn 9782267020106

(traduit de l'Allemand par Nicole Roethel)

Il y a de la magie – magie blanche sans aucun doute - dans la façon dont l'écriture de Peter Stamm, toujours si neutre et l'on pourrait même dire minimaliste, fixe sur le papier la vacuité, les révoltes, les frustrations et les petites joies de vies très ordinaires. Sur le voyage au long cours d'un roman, comme "Un jour comme celui-ci", cela nous vaut un petit miracle: un héros sans qualité auquel on finit pourtant par s'attacher, un charme aussi insidieux qu'irrésistible.

Et découvrant avec "Comme un cuivre qui résonne" ce que Peter Stamm peut nous offrir lorsqu'il se limite au format court de la nouvelle, j'ai bien retrouvé sa manière caractéristique, ce ton tranquille, égal, où rien jamais ne se détache. Et la magie aussi, parfois, dans certains de ces textes. "Vieillesse", surtout, offre un magnifique regard dans le rétroviseur, tout de sobriété et de pudeur, sur des vies tristement gâchées, tandis que "Le résultat" nous immerge dans les états d'âme d'un homme, réceptionniste d'un hôtel de luxe, qui au long d'une longue nuit de service et dans une grosse envie de solitude, attend le résultat d'une biopsie - vie ou mort, cancer ou pas... – passant tour à tour de l'angoisse à l'optimisme.

Mais parfois, et allez savoir pourquoi, la magie n'est pas là. Trop bizarre tel "Videocity" où le regard épouse la folie d'un narrateur dont on n'apprend finalement rien, ou "Enfants de Dieu", faux conte de Noël sans sapin ni guirlande. Ou tout simplement trop court, comme "Les vestiaires «hommes»" où il me semble avoir manqué d'espace et d'aliments pour m'installer dans une histoire.

Les frêles échos distillés par les douze nouvelles de "Comme un cuivre qui résonne" m'ont donc laissée sur une impression en demi-teintes, une indifférence polie pour les unes le disputant à l'admiration pour les autres, qui du reste valaient plus que largement le déplacement.

Extrait:

"La piscine scintillait, toute noire dans l'obscurité. Bruno enclencha le dispositif d'éclairage sous-marin et le bassin s'illumina d'un bleu éclatant. Il aimait cette couleur, sa froideur, sa pureté et la légère odeur de chlore. La piscine était pour lui le vrai luxe de l'hôtel, pas ces salons décorés, ces menus pour gourmets ou ces musiciens de salon qui venaient parfois ici jouer le week end. La piscine était différente du lac où il allait nager, elle était comme détachée du paysage et de la vie de tous les jours. Elle représentait une vie qu'il ne vivrait jamais, mais ça lui était égal. Ça lui suffisait que des gens vivent ainsi, d'être près d'eux et de les servir. Il ne lui serait jamais venu à l'idée d'aller passer ses vacances dans un hôtel de luxe bien qu'il eût pu se le permettre." (pp. 90-91)

D'autres livres de Peter Stamm sont présentés sur Lecture/Ecriture.

22 février 2010

Bleu je veux...

On n'y croyait plus mais, après des jours de grisaille, voici enfin un bout de ciel bleu et un timide rayon de soleil... insuffisant pour dégeler l'étang mais assez pour lui donner un petit air de fête.

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L'étang près de la ferme du Biéreau, Louvain-la-Neuve (Cliché Fée Carabine)

17 février 2010

D'amour, de manque et de grand large

"Où chaque soleil qui vient est un soleil rieur" de Jean-Marie Barnaud, 51tj_2B5K_2BFzL__SL500_AA240_
Illustrations de Laurence Jeannest
4 ½ étoiles

Cheyne, 2008, sans pagination, isbn 9782841161287

En couchant sur le papier ces cinq lettres qu'un capitaine au long cours du XIXème siècle adresse à l'épouse qui l'attend au pays, Jean-Marie Barnaud nous offre à l'évidence cinq très beaux poèmes d'amour où la nostalgie, le doute, le manque et la douleur de la privation se mêlent à l'espoir des retrouvailles, et à ces instants de confiance "où chaque soleil qui vient est un soleil rieur".

Mais en nous suggérant en sus un paysage continuellement mouvant à l'égal des images de Laurence Jeannest dont le camaïeu de gris et de bleu se fait infiniment changeant, Jean-Marie Barnaud nous donne encore bien plus à lire entre les lignes de ces cinq textes brefs: le grand large, ses heures paisibles, ses bourrasques et ses embruns... Tout un voyage intérieur qui est, aussi et parmi d'autres, le voyage de l'écriture. Et on le croit sans peine lorsqu'il avoue dans sa postface à ces lettres: "Mieux vaudrait dire plutôt que c'est la mer qui me les a données: de la fenêtre de ma chambre, à deux cent mètres à peine des galets, je voyais à l'est, tous les matins de grand beau temps, émerger le soleil tout rond, rouge comme les kakis de mon jardin qui flambent dans l'automne (...)." Quand une fenêtre s'ouvre sur un vaste monde "plus loin que l'Inde et que la Chine, vers le Japon, passant la mer de Chine et le détroit de Formose". Et quand la poésie se révèle bien plus que ce qu'elle semblait être.

Extrait:

"En mer, ce 22 décembre 1863
15°.35' S 95° E

(...)

Que nous sommes seuls au monde,
Marie, toutes îles
maintenant fondues dans l'horizon,
que nous sommes seuls,
chacun dans l'éclat de son désir!
Et c'est votre visage
que le ciel de mer partout dissémine,
gris ou sombre sous l'orage,
et parfois d'un bleu rieur
quand le traverse
le vol des grands pétrels,
couples d'amants fidèles,
et l'on s'invente alors
pour les jours proches
un Noël chanteur...

Quel lieu précaire est le nôtre;
Marie, ce midi de décembre,
quel centre du monde sans cesse
à basculer d'un abîme l'autre,
quand le seul centre qui m'aimante
est en vous, à dix mille milles!"

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16 février 2010

Une jalousie pathologique

"Le cocu magnifique" de Fernand Crommelynck,
avec Anne-Catherine Regniers et Itsik Elbaz dans une mise en scène de Vincent Goethals

Atelier Théâtre Jean Vilar, Louvain-la-Neuve, le 12 février 2010

Jeunes mariés, Stella et Bruno sont un temps très heureux. Amoureux-fous. Avant de n'être plus que fous - fous tout court - et que leur bonheur ne parte en vrille à mesure que Bruno sombre dans une jalousie pathologique, éternellement insatisfait et préférant la certitude de son infortune au doute taraudant.

Dissection d'une folie destructrice, "Le cocu magnifique" dépend peut-être plus que d'autres pièces du charisme et du talent de son premier rôle masculin. Itsik Elbaz s'y révèle tout simplement formidable, tour à tour tendre, séduisant, enjôleur, perdu, odieux ou infiniment touchant, tandis qu'Anne-Catherine Regniers lui donne une réplique toute en justesse et en retenue. Et leur interprétation sert admirablement la langue de Fernand Crommelynck, tantôt si prosaïque, gouailleuse et terre à terre, tantôt emportée en pleine envolée lyrique mais toujours magnifique.

Présentation du spectacle sur le site de l'atelier théâtre Jean Vilar.

14 février 2010

La plus comique des comédies de Woody Allen?

19133665_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20090701_053143"Whatever works" de Woody Allen,
avec Evan Rachel Wood et Larry David

Physicien de génie dont la carrière scientifique et le mariage ont tourné à rien, suicidaire misanthrope et désabusé, Boris Yelnikoff voit sa vie remise en question de fond en comble le soir où il trouve sur le pas de sa porte une jeune fugueuse tout juste débarquée à New York en provenance de l'Amérique très, très, très profonde.

La confrontation du cynisme du premier et de la candeur parfaite de la seconde nous vaut ce qui est sans doute le plus franchement comique des films de Woody Allen qu'il m'a été donné de voir jusqu'à présent. C'est souvent - chose rare chez le cinéaste new yorkais - d'une drôlerie sans arrière-pensée. Woody Allen y joue avec esprit des codes du théâtre en de savoureux apartés dont le piquant s'émoussera peut-être en même temps que leur effet de surprise. Mais en attendant d'en arriver là, à la troisième ou quatrième vision du film, quel agréable moment de cinéma et de bonne humeur!

D'autres films de Woody Allen, dans mon chapeau: "Match Point", "Accords et désaccords" et "Maris et femmes"

13 février 2010

Naufrage complet!

"Danse avec la vie" de Zoé Valdés41pcnFCf9SL__SL500_AA240_
½ étoile

Gallimard/Du monde entier, 2009, 279 pages, isbn 978207014213

(traduit de l'Espagnol par Albert Bensoussan)

C'était la dernière étape de mes retrouvailles avec Zoé Valdés, auteur des mois d'octobre et novembre 2009 sur Lecture/Ecriture. Ou comment ne pas finir en beauté...

Dans la première partie de "Danse avec la vie", l'histoire d'une romancière en mal d'inspiration s'entrelace à l'intrigue du roman qu'elle est en train d'écrire, et que la quatrième de couverture nous présente comme le récit d'un triangle amoureux impliquant deux danseurs et un photographe, même s'il s'agit plutôt d'un polygone dont j'ai fini par renoncer à compter les côtés. Se voulant d'abord érotique, ce roman dans le roman change ensuite de genre, se faisant policier puis historique, au gré des souhaits de son futur éditeur suspendu aux caprices de la mode, et tout en s'entremêlant de façon de plus en plus étroite à la vie de sa créatrice jusqu'à ce qu'une seconde partie de "Danse avec la vie" ne vienne tenter (!?) de remettre l'ensemble en perspective...

Voilà de quoi planter rapidement le décor d'un billet dont je ne sais, au fond, comment l'entamer. La bonne éducation voudrait en effet qu'on ne dise pas qu'une chose - disons par exemple, les choux de Bruxelles - est mauvaise, mais plutôt qu'on n'aime pas cette chose parce que les goûts et les couleurs, n'est-ce pas... Mais ceci dit, je suis d'avis que lorsque les choux de Bruxelles ont été si bien cuits, recuits et rerecuits qu'ils sont complètement desséchés et carbonisés, on a parfaitement le droit de dire qu'ils sont mauvais sans autre forme de procès. Et telle est bien la situation dans laquelle je me trouve au moment de refermer "Danse avec la vie". Roman où j'ai cru reconnaître, ça et là, des figures déjà croisées dans d'autres livres de Zoé Valdés, mais qui se trouvent ici réduites à des silhouettes sans épaisseur, et où l'érotisme parfois cru mais toujours si sensuel qui était l'une des marques de fabrique de la romancière cubaine cède la place à des pages entières d'une pornographie aussi vulgaire que dénuée de toute sensualité.

En un mot comme en cent, je ne vois rien à sauver du naufrage. Rien de rien: pas un personnage, pas une phrase, pas une formule un peu originale et qui m'aurait tapé dans l'oeil. En fait, après une telle lecture, il ne reste plus qu'à passer à autre chose. Et vite!

D'autres livres de Zoé Valdés, dans mon chapeau: "Soleil en solde", "Une Habanera à Paris", "L'éternité de l'instant" et "Café Nostalgia".

11 février 2010

L'apothéose de la danse (bis)

"To the ones I love", chorégraphie de Thierry Smits
sur des musiques de Jean-Sébastien Bach

Théâtre Royal de Namur, le 6 février 2010

C'est sans doute une étrange coïncidence si les deux spectacles de danse vus cette saison au Théâtre Royal de Namur pourraient tous deux être sous-titrés "l'apothéose de la danse", alors même qu'ils nous offrent deux visions radicalement opposées. S'ouvrant sur quelques mesures de la septième symphonie de Ludwig van Beethoven, "Neige " de Michèle-Anne de Mey ne cesse ensuite de tendre vers de plus en plus de dépouillement, des gestes mesurés, contraints et réduits à une épure, tandis que, tout à l'opposé, "To the ones I love" nous offre un hymne à la liberté et à la beauté des corps en mouvement, sans autre programme ou fil conducteur que celui proposé par les musiques de Jean-Sébastien Bach, et leur énergie tantôt débridée tantôt méditative.

Alors, même si on en est réduit aux suppositions concernant les dédicataires de ce spectacle, ces gens que Thierry Smits aime, on peut se risquer sans trop de danger au jeu des hypothèses: Jean-Sébastien Bach sûrement, dont la musique se voit merveilleusement incarnée, et pour autant que la chose soit possible, magnifiée par les mouvements des danseurs; les danseurs, aussi, touchés par la grâce et littéralement libérés de la pesanteur; et le public, enfin, du moins j'aime à le croire, qui se voit offrir "To the ones I love" comme un merveilleux cadeau...

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur

Article de Jean-Marie Wynants dans Le Soir

10 février 2010

"Où étaient les mots pour le dire?"

"Le vent qui siffle dans les grues" de Lídia Jorge51BQjlBXiQL__SL500_AA240_
4 étoiles

Métailié/Suite portugaise, 2009, 439 pages, isbn 9782864246794

(traduit du Portugais par Geneviève Leibrich)

Milene a l'esprit lent, très lent, "un cerveau voué à ne jamais embrasser la totalité" (p. 251), incapable d'à la fois ressentir les choses et trouver les mots pour les dire. Mais elle a aussi le coeur au bon endroit. Et en cette fin d'été caniculaire, alors que dona Regina Leandro, sa grand-mère qui avait toujours pris soin d'elle, vient de mourir, ses oncles et ses tantes se retrouvent inéluctablement partagés entre l'irritation que suscitent en eux les limites intellectuelles de leur nièce - causes pour eux de bien des soucis si elles font aussi de la jeune fille une proie facile à leur rapacité - et un respect dont ils se défendent tant bien que mal pour "sa logique sans logique, sa sagesse dénuée de science, son intuition proche de la raison, mais éloignée de son axe central (...), quelque chose d'indéfinissable chez les êtres humains, de réfractaire à la connaissance, d'inaccessible à la parole (...), une chose au-delà des mots et des vies ordinaires." (p. 430)

C'est que pendant ces ultimes semaines de grande chaleur, puis les longs mois où la famille de Milene se cherche un nouvel équilibre suite à la disparition de l'aïeule, le regard de la jeune fille, ce ressenti qu'elle peine à dire mais que Lídia Jorge nous restitue au plus serré, d'une écriture sensuelle et maîtrisée - et surtout la chaleur qu'elle trouve auprès des Mata, véritable tribu cap-verdienne à laquelle dona Regina avait loué les bâtiments de l'ancienne conserverie qui avait autrefois assuré la fortune de sa famille - agissent comme un révélateur de la dureté des siens, tellement préoccupés de préserver leur statut, et de ne pas rater le train du développement immobilier d'une côte encore sauvage. Les paysages âpres et magnifiques de l'Algarve, parcourus par le vent et les embruns marins, inondés de toutes les couleurs des musiques cap-verdiennes, offrent d'ailleurs un écrin aussi superbe que menacé à ce récit tout à la fois implacable et lumineux d'un drame, étouffé en définitive sous une lourde chape de silence.

Extrait:

"Si Milene pouvait, elle ne demanderait rien à personne, elle ne dirait rien à personne, elle ferait seulement ce que la nature et la vie exigeaient d'elle. Le monde était à parachever, la vie à construire, à nettoyer, à mettre en ordre, à conserver et à servir. Si elle pouvait. Mais elle ne pouvait pas, elle ne se trouvait pas assez dégourdie. En revanche, elle pouvait ne pas ajouter de mal ni de ténèbres là où elle savait qu'il y en avait déjà. Elle pouvait ne pas contribuer à créer de la douleur. Elle ignorait ce qu'était le mal, mais elle savait ce qui faisait mal. Du mal elle connaissait les effets, pas les racines. Même si elle ne pouvait pas le dire. Car si elle avait des mots, elle pensait à autre chose et ne ressentait plus tout cela. Elle aurait voulu être lucide, elle aurait voulu que sa tête soit illuminée de part en part, qu'y règne la clarté et l'intelligence, mais elle savait qu'il n'en était pas ainsi. Dans sa tête, comme sur une piste d'autos-tamponneuses, les néons s'éteignaient et s'allumaient par intermittence, avec des intervalles, des zones remplies d'ombre, des cratères de non-sens. Quand certaines zones s'éclairaient, d'autres plongeaient dans l'obscurité. Un cerveau voué à ne jamais embrasser la totalité. Où étaient les mots pour le dire?" (p. 251)

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