"Valse avec Bachir" d'Ari Folman
Je crois qu'on ne remerciera jamais assez certaines petites salles de cinéma de continuer à proposer certains films parfois plusieurs mois après leur sortie. C'est en tout cas à une de ces petites salles que je dois d'avoir enfin pu découvrir hier le film d'Ari Folman, qui était sorti en salle l'été dernier et que j'avais depuis réussi à rater avec une belle persistance largement involontaire!
Et je suis bien contente d'avoir comblé cette lacune, même si les premières minutes du film m'ont fait craindre de m'être fourvoyée dans un de ces dessins animés japonais apocalyptiques à l'animation aussi minimaliste que stéréotypée, et qui ont le don de m'horripiler. "Valse avec Bachir" embarque en effet le spectateur en plein cauchemar, sous la menace d'une meute de chiens aux yeux phosphorescents. Et c'est bien d'un cauchemar qu'il s'agit, de celui qui hante chacune des nuits d'un des personnages du film, depuis quelques années déjà, ce que nous découvrons dès la seconde scène...
Le 14 septembre 1982, le président libanais, Bachir Gemayel, est assassiné dans un attentat à la bombe. Sa mort sera vengée quelques jours plus tard par les phalangistes ou milices chrétiennes dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, encerclés par l'armée israëlienne. C'est en fait ce pas-de-deux de Tsahal avec le diable qui est au coeur de "Valse avec Bachir". La compromission de certains membres de l'état-major et du gouvernement israëlien dans ce massacre. Et le sentiment de culpabilité qui ronge, aujourd'hui encore, certains de leurs complices involontaires. Car ce sont eux, les jeunes appelés d'alors, qui étaient entrés au Liban en toute inconscience des horreurs qui les y attendaient et qui se débattent aujourd'hui avec les conséquences de ces événements, qui sont les héros du film d'Ari Folman.
Passé la première séquence de cauchemar, et malgré quelques autres scènes oniriques, "Valse avec Bachir" ne tarde pas à se révéler comme un remarquable documentaire - car telle est bien la lecture qui s'impose et si ce n'en est pas un, c'est que l'illusion est parfaite! Un documentaire auquel la forme très particulière du dessin animé confère une distance inhabituelle. Le cinéma a souvent montré les jeunes recrues partant pour le front - Normandie, Pacifique, Corée, Vietnam... - comme pour un fête, mais il a rarement offert un tel espace à la réflexion sur les horreurs de la guerre et leurs conséquences. Pour cette raison, "Valse avec Bachir" est un film à voir. Et c'est aussi un film qui ne laisse pas son spectateur indemne.
La page consacrée à "Valse avec Bachir", dans wikipedia