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Dans mon chapeau...

Dans mon chapeau...
19 février 2009

Poussée de fièvre printanière

"Les nuits blanches" de Fédor Dostoïevski51PN1KDZ2SL__SL160_AA115_
4 1/2 étoiles

Actes Sud/Babel, 1992, 102 pages, isbn 9782868698315

(traduit du Russe par André Markowicz)

Le printemps s'installe à Petersbourg, et tous les Petersbourgeois qui le peuvent quittent la ville pour les datchas des environs, laissant leurs concitoyens moins bien lotis à la solitude de la cité désertée.

C'est justement l'un de ces modestes fonctionnaires, irrémédiablement coincés en ville, que nous allons accompagner ici, tout au long de quatre belles nuits printanières. Un jeune homme solitaire à l'extrême, un rêveur qui ne trouve pas sa place dans la société des hommes, et qui par une claire nuit de printemps petersbourgeois, vole au secours d'une jeune fille poursuivie par un importun. La suite est prévisible: ils se parlent, elle l'émeut, il en tombe raide amoureux alors qu'elle en aime un autre... Et le conte de fée se révèle finalement cruel, très cruel. Tandis que la question faussement naïve que l'auteur avait posée d'entrée - "Est-il possible que, sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux?" (p. 9) - débouche sur une vision du monde et des hommes qui qui n'a plus rien de naïf mais se révèle bien plutôt sombre et amère, et que la lecture de Michel del Castillo, proposée à la suite du texte de Dostoïevski, met admirablement en lumière.

Que dire de plus? Sinon que ce texte d'un jeune Dostoïevski, d'avant la condamnation à mort et le bagne, annonce déjà les ombres et les failles qu'exploreront ses grands romans. Que c'est un texte magnifique dans sa joie fébrile et son amertume. Et qu'il faut vraiment le lire!

Extrait:

"Il est on ne sait quoi d'indiciblement touchant dans notre nature de Petersbourg quand, au début du printemps, elle affirme soudain sa puissance, toutes ces forces que lui donne le ciel, se couvre de duvet, se pare, se bariole de fleurs... C'est comme sans le vouloir qu'elle me rappelle la jeune fille, maladive et fanée, que vous observez parfois avec regret, parfois avec une sorte d'amour compassionnel, ou que, parfois, vous ne remarquez même pas et qui, soudain, en un instant, comme sans faire exprès, se montre belle, mais indiciblement, merveilleusement belle, et vous, sidéré, ébloui, vous vous demandez sans le vouloir: Quelle force fait briller d'un tel feu ces yeux méditatifs et tristes? d'où vient le sang qui irrigue ces joues pâles et creusées? qu'est-ce qui inonde de passion les tendres traits de ce visage? pourquoi cette poitrine se soulève-t-elle ainsi? qu'est-ce donc qui a soudain suscité cette force, cette vie, cette beauté dans le visage de cette jeune fille, qu'est-ce qui l'a fait briller de ce sourire, se vivifier d'un rire aussi éblouissant, étincelant?..." (p. 14)

"Les nuits blanches" viennent d'être adaptées très librement - et avec bonheur - au grand écran par James Gray, sous le titre "Two lovers".

D'autres livres de Fédor Dostoïevski, dans mon chapeau: "Le petit héros" et "Le rêve d'un homme ridicule"

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17 février 2009

"Le premier peintre du monde"

x196image_122223_v2_m56577569831216946Exposition Mantegna,
au musée du Louvre
Du 26 septembre 2008 au 5 janvier 2009

L'oeuvre d'Andrea Mantegna, que François d'Angoulême - le futur François 1er, à l'affut des nouveaux courants artistiques venus d'Italie et ce dès son plus jeune âge - avait qualifié de "premier peintre du monde", m'était tout compte fait peu familière, exception faite de son célèbre Christ mort (conservé à la Pinacoteca di Brera, Milan) et des tableaux qu'il avait réalisés pour le studiolo d'Isabelle d'Este (conservés au musée du Louvre).

C'est dire que la visite de la rétrospective que lui avait consacrée le musée du Louvre eut pour moi tout d'une découverte. D'autant que Giovanni Agosti et Dominique Thiébaut avaient mis les petits plats dans les grands en rassemblant non seulement une sélection impressionnante des oeuvres du peintre de Mantoue  mais aussi de ses prédécesseurs et successeurs, des peintures mais aussi des dessins et gravures , nous offrant ainsi bien plus qu'un regard sur le travail de Mantegna: une vision du monde où son oeuvre a vu le jour.

Et le moins que je puisse dire, c'est que la rencontre avec une oeuvre sans concession, âpre et austère à bien des égards, et si bien mise en valeur malgré la grande foule (dans les derniers jours d'ouverture de l'exposition, on se marchait vraiment sur les pieds) était une expérience intense. Tant d'images à absorber en quelques heures, tant d'impressions et d'émotions contradictoires, que je ne sais tout simplement pas - même quelques semaines après ma visite - par où commencer pour en rendre compte. Sinon peut-être en évoquant quelques images qui surnagent au-dessus de la mêlée. Par leur étrangeté, telle "La prière au jardin des oliviers" où une abondance de petits lapins compensent le manque d'oliviers.

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"La prière au jardin des oliviers", National Gallery (Londres) (source)

Ou encore par leur intensité dramatique et leur mise en espace, tel de le "Saint-Sébastien d'Aigueperse".

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"Saint-Sébastien d'Aigueperse", musée du Louvre (Paris) (source)

Et puis, un petit coup de coeur tout personnel, même si un peu hors-sujet, pour le portrait d'Isabelle d'Este par Léonard de Vinci que la marquise de Mantoue avait sollicité parce qu'elle n'était pas tout à fait satisfaite de son portrait peint par Mantegna...

Le site de l'exposition

Cette exposition a fait en outre l'objet d'un somptueux catalogue, dont je reparlerai plus tard...

15 février 2009

Une semaine londonienne

Je suis à Londres toute cette semaine. Mais qu'à cela ne tienne: quelques billets sont tout prêts à être mis en ligne pendant mon absence...

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"London from Greenwich Park", John Mallord William Turner, Tate Collection (Londres) (source)

14 février 2009

"Ceci ne sera pas un poème d'amour..."

Ceci ne sera pas un poème d'amour
(ni d'amitié non plus quoiqu'on en dise)

Moi je croyais la page tournée
des joues en feu, de la chamade
que bat le coeur quand il évoque
le tango de ces moments-là

Mais nous voici cu et chemise
faits l'un pour l'autre chamboulés
dans nos vies de gens comme il faut
dans nos existences respectables
dans mes désirs, dans tes manies

J'apprends à lire sur tes lèvres
Tu apprends à lire mes rêves
Et ce n'est pas non plus le poème qu'il faut
dire à voix haute en écho à ton rire
ni même brandir comme un poing
quand nous faisons l'amour
aussi justement que possible
sans préjudice ni pudeur

Et nous voici allant de stupeur en surprise
ébouriffés brûlés comme par une flamme
qu'on attendrait partout sauf en cette région
tempérée où le coeur se méfie

Et nous voici chacun de chaque côté
d'une frontière que nous traçons ensemble
à mesure que nous avançons
et qui ne reconnaît ni la guerre ni la paix
niant que ceci soit un poème d'amour
(ni d'amitié quoiqu'on en dise)

Karel Logist, "Si tu me disais viens et autres poèmes", Editions Ercée, 2007, pp. 41-42

D'autres poèmes de Karel Logist, dans mon chapeau: "Hier, tu ne savais pas quoi faire de ta colère..." et "La vie au lendemain de ma vie avec toi..."

13 février 2009

Amour, maladie, c'est du pareil au même...

"Tu veux savoir comment ma maladie a commencé? La vérité est: pour l'heure je n'en sais même rien. Les maladies ont un commencement? Ou elles sont comme l'amour: de ces choses qui n'existent qu'après qu'on s'en est souvenu?"

Mia Couto, "Un fleuve appelé temps, une maison appelée terre", Albin Michel/Les grandes traductions, 2008, pp. 156-157 (traduit du Portugais par M. Lapouge-Pettorelli)

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12 février 2009

Détournement et subversion

"Règlements de contes" de Vera Feyder1516368
4 étoiles

Lansman, 1997, 59 pages, isbn 2872821775

Entretissant les trajectoires de deux personnages tout droit sortis d’un poème de Victor Hugo ("Bon conseil aux amants") aux destinées des héros des contes de Perrault, Vera Feyder nous en propose une relecture quelque peu iconoclaste - à tel point que Charles et Victor assistant au spectacle, du lieu où ils se trouvent, s’en voient fort marris. Ainsi, Corentin, chat botté de son état, met toute sa diligence et son astuce, non à servir son maître, monsieur de Kara, fausse noblesse fort peu sympathique au demeurant, mais bien à lui piquer sous son nez sa fiancée. Et Rossetta, militante communiste qui n’a pas peur du loup, porte haut ses couleurs politiques dans son capuchon rouge…

Comme dans "Petite suite de pertes irréparables", le texte séduit par son rythme endiablé et par son irrésistible drôlerie. Mais il se révèle aussi plus grave, plus profond et par là-même plus subversif qu’on ne pourrait le penser à première vue. Car en passant ainsi à la moulinette les contes de fée de notre enfance, Vera Feyder nous invite à préserver l’irrévérence, l’imagination et la liberté face aux enchantements clé-sur-porte de notre monde contemporain. Et elle offre une résonance inattendue à cette confidence du prince charmant: "Je viens d’un pays où les gens meurent d’ennui. C’est une épidémie qui s’est abattue comme cela, un jour, amenée par on ne sait quel marchand cousu d’or et d’images, dont il s’est mis à gaver les gens. Nul n’a plus alors vécu que d’images toutes faites et d’argent comptant. Au début, c’était de la folie; une fièvre inaccoutumée que certains ont pu prendre d’abord pour une poussée de vie. Mais c’était plutôt la mort aiguillonnant la vie, la refoulant dans ses manifestations les plus simples. Les gens, soudain, ne se sont plus parlé. Ni bonjour, ni bonsoir. Plus aucune considération sur le temps qu’il fait, ni sur celui qui passe. Plus personne n’a eu quoi que ce soit à dire à qui que ce soit. La fureur de voir et de posséder a dépassé celle de vivre et l’a absorbée. C’est pourquoi tout ce qui est vivant et combattant me touche." (p. 43)

Extrait :

Kara (le poursuivant) : Elle aura honte de vous… Elle n’osera vous présenter à personne. (Il le suit dans les couloirs) Ah, vous ne vous êtes jamais regardé… Quatre pattes, des poils partout, deux canines longues comme ma main… et faux-jeton avec ça…
(Il a rejoint Corentin sur le seuil. Tonnerre. La pluie tombe, drue)
Corentin (souriant) : J’ai de belles moustaches. Un bon et bel esprit. De très beaux yeux. Beaucoup d’hommes ne peuvent en dire autant. (Il descend les marches du perron)
N’allez pas plus avant, vous n’êtes pas sortable. Ah, j’oubliais, une dernière chose… Ce chat dont je vous ai parlé, qui était mon ami, on l’appelait  "le chat-qui-s’en-va-tout-seul"... Eh bien, il a fait son chemin dans la vie. Et dans l’histoire. La liberté lui a réussi.
Kara : Jamais entendu parler.
Corentin :
Vous lisez peu, il est vrai. Les bêtes pas plus que les gens ne vous intéressent.
Kara:
J’ai d’autres chats à fouetter.
Corentin: C’était vrai. C’était. Moi parti, vous allez bien vous ennuyer. (Il s’éloigne)
Il reste un peu de ragoût pour le dîner. J’ai ôté la mouche, il devrait être mangeable…
(pp. 31-32)

D'autres livres de Vera Feyder, dans mon chapeau: "Petite suite de pertes irréparables", "Caldeiras" et "Liège".

Et l'avis de Mapero sur un autre de ses livres: "Le derelitta"

10 février 2009

L'école des femmes, version coréenne

18427541"L'Arc" de Kim Ki-Duk,
avec Seo Min-Jeong

Canvas (deuxième programme de la VRT, télévision belge d'expression flamande) a l'excellente habitude de proposer tous les dimanche soirs une programmation de cinéma d'auteur, du monde entier, et cela à une heure certes tardive mais pas complètement indécente (vers 21h30-22h)*.

J'ai donc sauté sur l'occasion qui m'était offerte ce dimanche de découvrir "L'Arc" du cinéaste coréen Kim Ki-Duk, dont j'avais aimé "Printemps, été, automne, hiver... et printemps" - un film très contemplatif, magnifiant les beautés de la nature, et néanmoins dramatique, histoire de crime et de rédemption sur fond de passage des saisons dans un ermitage isolé au milieu d'un lac. Autant dire que je n'ai pas été trop dépaysée au début de "L'Arc", en me retrouvant sur un bateau, perdu au milieu des flots et fort loin du monde. Des années plus tôt, le propriétaire de ce bateau avait recueilli une petite fille qu'il a depuis élevée avec l'idée d'en faire sa femme quand elle atteindrait ses dix-sept ans. Au moment où nous le retrouvons, quelques mois à peine le séparent encore de la date prévue pour ce mariage. Sa pupille est devenue très belle, et le vieil homme doit bien souvent recourrir à l'arc dont il joue en virtuose pour tenir à distance les pêcheurs de passage qui la convoitent eux aussi. Et bien sûr, les choses commencent bientôt à dérailler...

Mais si tout ça vous a un petit air d'école des femmes, le film de Kim Ki-Duk est beaucoup moins drôle que la pièce de Molière. Et à vrai dire, je ne sais pas trop ce qu'il est tant il semble ne pas savoir sur quel pied danser, à force d'hésiter entre la bluette sentimentale (et ses couchers de soleil, vrais chromos de carte postale - c'est juste too much!), le drame et la pantomime (le vieil homme et sa pupille semblent se comprendre sans parler, et ma foi, ils se font vraiment comprendre du spectateur sans prononcer le moindre mot!), avant de virer vers le fantastique - de façon assez peu convaincante, à mon avis - dans le dernier quart d'heure. Bref, cela valait certainement le coup d'oeil, et ce n'était pas désagréable à regarder, mais pour le coup, je n'ai pas vraiment été séduite.

Les avis postés sur la toile sont d'ailleurs assez partagés: du plutôt positif  (ici et ) au très sévère (ici), en passant par le guère enthousiaste (ici ou )

* En parlant d'heure de diffusion indécente, Arte a programmé "Le cercle", magistral réquisitoire de Jafar Panahi traitant de la condition féminine en Iran, ce mercredi 11 février... à 23h10. Sans commentaire ;-).

8 février 2009

Fil rouge pour un coup de sang

"Sans début ni fin – Petite parabole" d’Anne HerbautsSANS_DEBUT_NI_FIN_1
5 étoiles

Editions Esperluète, 2008, sans pagination, isbn 9782930223936

Le peloton de fil rouge qui orne la couverture se dévide à l’intérieur du livre, tout au long d’une bande de papier plié en accordéon. Et se dévident du même coup les strophes d’un poème - évocation touchante, troublante, des dépourvus - et des illustrations nées de l’assemblage de cailloux, de bouts de ficelles, de bouts de papier, de bouts de tissus, de bouts de bois et de vieux boutons... Tout un petit monde désordonné, insolite et fragile, réuni en une vraie cour des miracles. Des petites merveilles de poésie, d’imagination et d’inventivité qui en disent plus long que bien des discours, en un plaidoyer éloquent qui évite l’écueil des bons sentiments comme celui du cynisme.

Car présentant son livre il y a quelques jours sur les ondes de Musiq’3 (radio belge), Anne Herbauts ne s’en était pas cachée : "Sans début ni fin – petite parabole" est un cri de révolte, né d’un vrai coup de sang face à notre société de consommation qui pratique l’exclusion, à tour de bras, des sans-papiers, des sans-abris, des sans-permis, mais toujours des hommes traités, c’est sûr, sans plus aucun égard…

J’ai en tout cas un gros coup de cœur pour ce petit livre inclassable, une très belle réalisation de plus au catalogue des éditions Esperluète qui allient toujours avec bonheur texte et illustration.

Extrait:

 

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"Et encore les sans cabane
qui cherchaient
ombre
où attendre.
Ils plantaient un arbre, alors,
alors, le merle chantait."

 

Présentation de "Sans début ni fin", sur le site de l'éditeur

D’autres ouvrages des éditions Esperluète sont présentés sur Lecture/Ecriture :
"Ce qu’on oublie (Souvenir trois)" (Annick Ghijzelings et Anne Leloup)
"Désir" (Frédérique Dolphijn et Loren Capelli)
"Le jardin (Souvenir un)" (Annick Ghijzelings et Anne Leloup)
"Les oiseaux de Messiaen" (Nicole Malinconi et Mélanie Berger)
"La petite" (Pascale Tison et Loren Capelli)
"La porte de Cézanne" (Nicole Malinconi et Jean-Gilles Badaire)

7 février 2009

Un coup d'oeil dans le rétro

thumb_gr_ico_affiche"Actualité namuroise - Rétrospective 2008"
Galerie du Beffroi, Namur

Il y a des activités saisonnières qui, c'est réglé comme du papier à musique, reviennent chaque année à la même époque. Ainsi, les galeries du Beffroi accueillent chaque année en cette période une exposition de clichés des photographes de presse namurois.

C'est une belle occasion de jeter un dernier coup d'oeil dans le rétro vers l'année révolue. Autant de tranches de vie de la cité s'y font jour en autant de photos souvent prises sur le vif, révélatrices des tensions politiques comme de la vitalité culturelle, festive ou sportive de la capitale wallonne. Avec en guest star, quelques apparitions teintées de mystère d'Olivier Gourmet, président du jury lors de la dernière édition du Festival du Film Francophone.

Galerie du Beffroi,
13, rue du Beffroi,

En semaine de 11h à 18h, et le dimanche de 12h à 18h
jusqu'au 1er mars 2009

Présentation de l'exposition, sur le site de la ville de Namur

6 février 2009

"In the bleak midwinter" (2)

Chutes de neige et gel persistant, la Vierge et l'Enfant se sont encapuchonnés d'un duvet blanc...

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Louvain-la-Neuve (Cliché Fée Carabine)

"In the bleak midwinter" (1) et (3) 

Et ne manquez surtout pas le très beau reportage qu'Hugues van Rymenam, alias le fugitif, a réalisé pendant ces jours de grand froid. Ça commenceici, et c'est tout simplement magnifique.

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